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Étude par simulation numérique de la génération des vagues de vent à la surface d'un liquide visqueux

Florent Burdairon

Lundi 12 Juin à 10 h 30 

Amphithéâtre Nougaro

Résumé

De nombreux travaux ont été menés durant les dernières décennies afin de tester et d’enrichir les modèles de génération et de croissance des vagues de vent. Des travaux expérimentaux récents ont révélé certains aspects de l’influence de la viscosité du liquide sur le mécanisme de croissance de ces vagues. Cette thèse s’inscrit dans ce cadre, et vise à étudier cette influence à l’aide de simulations numériques.

Elle s’appuie sur le code de recherche JADIM, développé à l’IMFT, qui permet de simuler une large gamme d’écoulements incompressibles diphasiques. Afin de capturer les évolutions de l’interface, nous utilisons une approche de type Volume of Fluid, et nous faisons varier la viscosité du liquide sur deux ordres de grandeur.

Pour tenir compte de la turbulence dans l’air, nous nous basons sur une approche de type RANS. Nous supposons que les mouvements ondulatoires de l’interface sont bidimensionnels, et qu’ils sont décorrélés des fluctuations turbulentes tridimensionnelles. Cela nous permet de moyenner spatialement l’écoulement dans la direction transverse aux vagues. Cette opération introduit des contraintes turbulentes inconnues dans les équations de quantité de mouvement, que nous modélisons à l’aide d’un champ de viscosité turbulente dans l’air. Bien que cette approche nécessite des hypothèses beaucoup plus fortes que celle basée sur la simulation des grandes échelles (LES), ou a fortiori la simulation directe (DNS), elle est également bien moins coûteuse en temps de calcul. Cela nous permet de faire varier le nombre de Reynolds turbulent sur un ordre de grandeur, bien au-delà des études par LES ou DNS les plus récentes menées sur une configuration similaire.

La viscosité turbulente est estimée à l’aide du modèle de Spalart-Allmaras, très utilisé pour les écoulements aérodynamiques complexes à haut nombre de Reynolds. Elle y est solution d’une équation de transport, qui fait intervenir la vorticité de l’écoulement résolu, et la distance locale à la paroi la plus proche (ici l’interface). Nous avons implémenté ce modèle dans le code JADIM, puis l’avons testé sur trois configurations monophasiques canoniques : l’écoulement turbulent en canal plan développé ; l’écoulement au-dessus d’une marche descendante (comme modèle d’écoulement décollé) ; et l’écoulement au-dessus d’une paroi ondulée rigide fixe, avec et sans décollement. Pour cette dernière configuration, le modèle prédit le bon déphasage des grandeurs pariétales, mais l’amplitude de leurs variations est plus faible que ce qu’indiquent les données expérimentales.

Après avoir mis au point un protocole d’initialisation précis, nous avons réalisé de nombreuses simulations numériques diphasiques. Pour chaque cas, nous avons suivi l’évolution temporelle du moment d’ordre deux de l’interface, afin de caractériser la croissance ou la décroissance d’une perturbation initiale en fonction de la viscosité du liquide. Nous avons calculé les taux de croissance des modes dominants, qui se comparent bien aux prédictions du modèle de Miles. Nous avons également analysé les évolutions temporelles des spectres spatiaux des déformations de l’interface. Certains cas montrent une croissance en plusieurs phases successives, due au décalage du mode dominant vers les petits nombres d’ondes au cours du temps. Malgré les biais possibles induits par les limitations du modèle de turbulence, notre approche s’avère capable de reproduire les mécanismes de génération des vagues de vent sur l’eau et sur des liquides plus visqueux.

Ce travail pourra dans la suite être enrichi de deux manières : en considérant le cas des très hautes viscosités, afin de capturer les solitons visqueux récemment mis en évidence expérimentalement ; et bien sûr en améliorant le modèle de turbulence, afin de mieux prendre en compte les déséquilibres de la turbulence au-dessus de l’interface déformée.

 

Abstract

Many studies have been carried out over the last decades to test and improve wind-wave generation and growth models. Recent experimental works have revealed some aspects of the influence of the liquid viscosity on the mechanisms governing this growth. This PhD is part of this framework, and aims at sudying this influence by means of numerical simulations.

It relies on the research code JADIM, developped at IMFT, devoted to the simulation of two-phase incompressible flows. To track the evolution of the interface, we use a Volume of Fluid approach, and vary the liquid viscosity over two orders of magnitude.

To account for turbulence in the air, we employ a RANS approach. We assume that the orbital movements of the interface are two-dimensional, and that they are uncorrelated with the three-dimensionnal turbulent fluctuations. This allows us to spatially average the flow in the transverse direction, perpendicular to the wave propagation. This averaging process introduces unknown turbulent stresses in the momentum equations, that we model through an eddy-viscosity distribution. Although this approach implies much stronger assumptions than the one based on large-eddy simulations (LES), or a fortiori on direct simulations (DNS), it is also much less computationally expensive. Thanks to this, we were able to vary the turbulent Reynolds number over one order of magnitude, exceeding by far the range of conditions explored in most recent LES and DNS studies on similar configurations.

The eddy-viscosity is estimated through the Spalart-Allmaras model, widely used for complex aerodyna- mical flows at high Reynolds number. The eddy-viscosity is computed as the solution of a transport equation, involving the resolved flow vorticity and the local distance to the nearest wall (here the interface). We have implemented this model in the JADIM code, and first tested it in three canonical one-phase configurations : the fully-developped plane channel flow ; the flow above a backward-facing step (a model for separated flows) ; and the flow above a fixed rigid wavy wall, with and without separation. For the latter, the phase angle of the wall quantities (pressure and shear stress) is well predicted, but the amplitude of their variations is weaker than indicated by experimental data.

After setting up a precise initialisation protocol, we carried out a large series of two-phase computations. In each case, we followed the time evolution of the second moment of the interface to characterize the dependence of the growth or decay of an initial disturbance on the liquid viscosity. We computed the growth rates of the dominant modes, which compares well with Miles’ model. We also analysed time evolutions of spatial spectra of the interface deformations. Some cases exhibit a three-stage growth, due to the shift of the dominant mode towards a smaller wavenumber as time proceeds. Despite the possible bias induced by the limitations of the turbulence model, our approach appears to be able to reproduce the mechanisms of wind-wave generation over water and over more viscous liquids.

In the future, this work could be enriched along two ways : by considering the case of very high liquid viscosities, to track viscous solitons that have been recently observed experimentally ; and obviously by improving the turbulence model, to better take care of non-equilibrium effetcts induced by the deformed interface on the turbulence in the air flow.