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Modélisation des écoulements cisaillés sur parois fibreuses

Une chaire d’excellence, intitulée “Bioskins”, a été obtenue par A. Bottaro à l’IMFT dans le cadre de l’IDEX UNITI associé à l’Université de Toulouse. Une thèse a été co-encadrée au sein de la thématique, dont les objectifs concernent la modélisation des écoulements au voisinage de parois hétérogènes, non lisses ou non rigides. Les exemples les plus évidents sont les peaux naturelles, qui peuvent être constituées de micro-fibres et être rugueuses, poreuses, élastiques, écailleuses, ou équipées de structures géométriquement complexes à différentes échelles. L’idée sous-jacente réside dans le postulat que l’évolution des espèces a abouti à l’optimisation de ces parois naturelles afin de réduire la traînée ou plus généralement d’augmenter les performances aéro ou hydrodynamiques. Les écoulements de canopées représentent le second exemple pris dans la nature où la paroi (le sol) est munie de fibres élastiques (végétation). A terme, une meilleure compréhension de la physique et l’amélioration des modèles théoriques et numériques devraient permettre par exemple d’optimiser les véhicules, et donc de réduire les coûts énergétiques dans les transports. Les problématiques scientifiques abordées dans ce travail sont l’interaction fluide-structure, le contrôle des écoulements, la modélisation des milieux poreux élastiques, les instabilités hydrodynamiques, la simulation numérique multi-échelles, la réduction de modèle et les méta-modèles.

Le projet a démarré par une étude de sensibilité des instabilités de type Kelvin-Helmholtz présentes sur des canopées au modèle de traînée turbulente. L’écoulement est décomposée en deux couches, l’une fibreuse et l’autre de type couche limite (fig. a). Les modèles isotropes représentant chaque couche sont couplés à l’interface par la contrainte de cisaillement. La sensibilité des modes instables est étudiée par l’emploi d’équations de stabilité adjointes qui est une méthodologie bien maîtrisée dans l’équipe. Les modèles sont basés sur un mélange de théorie et de corrélations expérimentales proposées par Ghisalberti et Nepf. L’étude a démontré la grande sensibilité des instabilités à d’infimes variations du champ moyen, et donc des paramètres du modèle de traînée turbulente. Enfin un modèle alternatif anisotrope basé sur les travaux antérieurs de Zampogna et Bottaro faisant intervenir une perméabilité tensorielle a permis d’introduire une nouvelle condition à l’interface mixte pour le problème d’instabilité et de sensibilité.

Figure : modélisation de modes monami sur une canopée (a). Champ de vitesse horizontale dans un milieu fibreux obtenu par approche VANS (b) et par simulation numérique directe pour Re = 1000 (c).

’effet de porosité a été analysé pour un écoulement inertiel dans le cas d’une interface fibreuse modélisée par un tenseur de perméabilité apparent dans un second temps (Luminari et al., Int. J. Multiph. Flow, 2018). Il s’agissait d’identifier ce tenseur en simulant l’écoulement sur diverses cellules tridimensionnelles de base contenant une géométrie de fibres par l’approche VANS (“Volume Average Navier-Stokes”). Le modèle VANS prenait en compte la direction du gradient de pression définie par des angles d’Euler 3D et son amplitude afin de définir un nombre de Reynolds microscopique. Plus d’une centaine de simulations numériques directes ont conduit à la création d’une base de données originale. Après validation, un méta-modèle basé sur une approche de Kriging a permis d’obtenir des surfaces de réponse afin de déterminer le tenseur de perméabilité local en fonction des paramètres. Ce méta-modèle mis à disposition sur Github permet à tout utilisateur de mener des simulations globales de milieux poreux élastiques par une approche VANS.

Dans la dernière étape, le méta-modèle implémenté dans le code Navier-Stokes a permis de simuler un écoulement où les régions d’écoulement fluide libre et la région fibreuse sont couplées par une méthode de pénalisation sur les propriétés de porosité et de perméabilité (Luminari et al., J. Porous Media, 2019). La démarche a été globalement validée par des simulations numériques directes, dans une gamme de nombres de Reynolds au-delà du régime inertiel (figs. b et c). Ce travail représente une contribution importante dans le projet Bioskins et ouvre des perspectives très intéressantes pour de futures simulations sur des écoulements aérodynamiques en présence de parois complexes.