Aller au contenu

Dynamique de sillages de corps libres

La dynamique d’un corps libre de se mouvoir dans un fluide est fortement couplée à celle de son sillage. Ce couplage est étudié expérimentalement, tout d’abord lorsque ce corps est un solide de forme cylindrique allongée et qu’il est lâché dans un fluide au repos ou bien dans le cas d’un nuage de bulles (Toupoint et al., J. Fluid Mech. 2019). Durant la chute libre dans un fluide au repos non confiné, l’anisotropie joue un rôle particulier dans les lâchers tourbillonnaires et la réponse dynamique du corps. Pour des nombres d’Archimède compris entre 200 et 1200 et des rapports d’allongement (longueur sur diamètre) compris entre 2 et 20, divers mouvements ont pu être observés : de type stationnaire, que ce soit rectiligne ou périodique avec de grandes amplitudes (de type fluttering), mais aussi correspondant à des mouvements oscillants irréguliers de faible amplitude qui apparaissent dans des conditions intermédiaires. Les modes de lâchers tourbillonnaires associés à ces différents mouvements sont fortement contrastés. Les lois d’échelle qui régissent la cinématique du fluttering ont pu être déterminées. Elles font notamment apparaître une échelle de longueur caractéristique non triviale.

La réponse cinématique de ce cylindre à un forçage externe exercé lorsqu’il tombe dans l’agitation aléatoire induite par un nuage homogène de bulles a également été explorée. Pour cela, le cylindre a été confiné dans une cellule plane d’épaisseur légèrement supérieure à son diamètre, contenant un fluide au repos à la base duquel est injecté le nuage de bulles. La cinématique du cylindre dépend fortement de son rapport d’allongement, du nombre d’Archimède et du rapport de densité cylindre/fluide. Dans le nuage de bulles, la vitesse de chute est amplifiée par rapport à celle observée en l’absence de bulles. Ce comportement est lié à la génération de phases du mouvement où l’orientation du cylindre est proche de la direction verticale. Lorsque le cylindre passe dans le voisinage proche des bulles, il est en effet bien souvent réorienté par cette interaction. La trajectoire du cylindre dans le nuage présente alors une succession aléatoire de phases distinctes dont les propriétés statistiques ont pu être déterminées. Parmi elles, on peut noter les phases où (i) le cylindre adopte un mouvement proche de sa dynamique propre en fluide confiné au repos, ce qui arrive lorsqu’il est suffisamment loin des bulles, (ii) d’interactions avec le champ proche des bulles qui le réorientent selon la direction verticale, (iii) des phases transitoires pour retrouver une orientation plus naturelle. Les cylindres de masse volumique proche du fluide qui ont une trajectoire rectiligne uniforme en fluide au repos sont déstabilisés dans le nuage de bulles et présentent une énergie d’agitation semblable à celle du fluide. La masse volumique augmentant, l’agitation induite par les bulles imprime de moins en moins sa marque sur les fluctuations de vitesse du cylindre qui s’apparentent de plus en plus aux oscillations propres des corps en fluide au repos.

Dans le cas où le corps libre est une bulle, le couplage à la déformation de l’interface entre en jeu. La cinématique de bulles inertielles évoluant dans un liquide au repos fortement confiné constitue l’autre volet des études menées. Après avoir caractérisé le mouvement et la déformation de bulles isolées dans une large gamme de tailles de bulles (Filella et al., J. Fluid Mech. 2015), nous avons également exploré les mécanismes à l’œuvre durant l’interaction de deux bulles libres de se mouvoir lorsque leurs sillages sont instables. Cette liberté de mouvement demande de revisiter les modes d’interaction dans la mesure où, dans le sillage, les bulles interagissent avec un champ de vorticité qui est mobile et évolue en intensité. Des collaborations ont également été développées avec des collègues de la fédération de recherche FERMAT (LGC et LISBP) et de l’Université de Aachen (Allemagne) pour analyser l’intensification du transfert de masse réactif autour de ces bulles confinées (post-doctorat de F. Felis) ; avec l’Université de Buenos Aires (Argentine) pour examiner l’effet sur le mouvement de ces bulles d’un forçage passif par confinement supplémentaire dans le plan de la cellule mince (collaboration dans le cadre de la thèse de L. Pavlov, prévue en 2021) ; avec l’Université de Jaen (Espagne) pour examiner la coalescence dans un nuage de bulles confinées (collaboration dans le cadre de la thèse de J. Ruiz-Rus prévue en 2019) ; avec l’Université d’Hokkaido (Japon) pour la déstabilisation d’une ligne de bulles en ascension (séjours de collègues et étudiants à l’IMFT).