Couche limite turbulente sur fonds naturels
La modélisation des couches limites turbulentes sur des fonds complexes dans le contexte des écoulements de rivière est encore loin d’être complète. En effet, contrairement aux cas atmosphériques ou océaniques, les écoulements de rivière se font souvent avec des niveaux d’immersion faible des rugosités formant le fond. Les formulations classiques en rugosité hydraulique et profils logarithmiques peinent alors à décrire correctement l’écoulement. Par ailleurs, la modélisation des hydro-écosystèmes nécessite de prendre en compte l’écoulement dans la canopée, définie ici comme la zone de l’écoulement située en-dessous du sommet des rugosités (notée h).
Pour les écoulements à très faible immersion, des travaux de thèse ont permis de démontrer la persistance d’une loi log dans des écoulements très confinés (D/h=1.5 à 3 avec D le tirant d’eau et h la hauteur des rugosités) et mis en évidence la perte du caractère universel des profils d’intensité turbulente pour D/h<2 (Rouzès et al., Journal of Hydraulic Research, 2019). La thèse de Loïc Chagot (2015-02/2019, Financement ANR Flowres), financée dans le cadre de l’ANR Flowres (2015-2018) aura permis de compléter cette analyse par une étude de l’évolution de l’écoulement dans la canopée pour des niveaux d’immersion relative entre D/h=1.3 et D/h=3.1.
Parallèlement, un modèle semi-analytique a été développé par Cassan et al. (Water, 2017) pour prévoir le frottement global d’un fond rugueux émergent ou faiblement immergé dans un contexte de rivières de montagne. Une approche similaire a été choisie par Loïc Chagot dans sa thèse, qui met en évidence pour les lois de frottement un régime de faible immersion entre D/h=1 et D/(Φh)=4 où Φ est la porosité moyenne de la canopée. Pour les rugosités émergentes (D/h<1), des modélisations en traînée avec un coefficient CD sont très efficaces. Pour les rugosités très immergées (D/(Φh)>4), la loi log et la loi déficitaire dominent l’écoulement, et on retrouve une bonne prédictibilité avec les approches classiques de type Manning-Strickler. Dans la zone de faible immersion, le frottement dépend à la fois de la géométrie et du niveau de submersion.
Au-delà de la difficulté à décrire correctement des régimes d’écoulements uniformes, l’implémentation dans des écoulements graduellement variés de la complexité verticale d’écoulements faiblement immergés ou émergents est un enjeu majeur. L’étude de Thual et al. (Journal of Fluid Mechanics, 2015) est une première étape vers le développement d’outils numériques permettant la résolution d’équations intégrées verticalement dans un contexte de profil de vitesse vertical non uniforme.